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Les Fontaines de la rue du Faubourg-St-Martin - le 03/03/2017 @ 19:03 par JCH

Les Fontaines de la rue du Faubourg-Saint-Martin*

(D’après les Procès verbaux de la Commission municipale du Vieux Paris
dressés par Lucien Lambeau à Paris, le 29 mai 1900.]

Aujourd’hui où le budget participatif municipal a accordé des fonds pour la rénovation et l’embellissement de la rue du Faubourg-Saint-Martin, il nous a paru intéressant de mettre en parallèle l’action conduite en 1840 par des riverains du faubourg pour l’agrément de leur rue en la dotant de belles fontaines, d’urinoirs hygiéniques et de candélabres. L’action a été menée en grande partie par les habitants !
* Lire à la fin de cet article un additif très intéressant communiqué par Marc Le Cœur, historien d'art, quant à la découverte de 2 fontaines faisant partie des 30 fontaines de la rue du Faubourg-St-Martin. Ces 2 fontaines sont installées aujourd'hui place Sainte-Croix face à la cathédrale d'Orléans, voir à cette page. De très belles illustrations accompagnent cette page.
* Le site Paris-Bise-Art  nous adresse aussi une page de son blog consacrée aux fontaines, en illustration des cartes postales où l'on voit les fontaines en situation sur le Faubourg-St-Martin, voir ici
 

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La rue du Faubourg-St-Martin autrefois

La réalisation vers 1841

« En 1841, un groupe de propriétaires de la rue du Faubourg-Saint-Martin lance une souscription pour construire 30 fontaines le long de la voie, 15 de chaque côté de la rue, elles seront faites sur deux modèles différents par un sculpteur inconnu mais au nom prédestiné Martin ! Elles furent inaugurées, ainsi que des urinoirs et des lampadaires, en 1849. L’initiative en revient entièrement à un habitant du quartier qui, frappé par le mauvais état du pavé et le déplorable aspect général que présentait cette rue, l’une des plus importantes de la capitale, résolut d’en réaliser l’embellissement par les seules ressources des propriétaires. Nous n’avons pu trouver le nom de ce citoyen dans les pièces que nous avons consultées, non plus dans les journaux de l’époque. Seule, l’Illustration parla de lui, mais se garda bien de le nommer, obéissant ainsi à une recommandation formelle dictée par une modestie que l’on comprendrait peu de nos jours.

Voilà donc notre citadin en campagne. Il adresse un mémoire à tous les propriétaires de la rue, mémoire dont les grandes lignes pouvaient se résumer par les quatre articles suivants :

1° Adoucir, au moyen de grands travaux de terrassement, l’escarpement de la chaussée ;
2° Construire de vastes trottoirs, sans interruption, depuis la porte Saint-Martin jusqu’à la barrière de La Villette ;
3° Remplacer par cent candélabres à gaz les vingt-quatre lanternes destinées à l’éclairage de tout le faubourg;
4° Élever sur la ligne des candélabres, et en alternant avec eux, trente fontaines monumentales et trente bornes vespasiennes en fonte que le mémoire qualifie d’une élégance remarquable.

candelabre.jpg
Candélabre du Fbg-St-Martin

Dans l’esprit du hardi novateur, ce système devait se compléter d’un service de cantonniers chargés de la propreté de la rue et d’un autre service de gardiens de nuit, dont la mission aurait consisté à veiller pour la sûreté des habitants, à assurer la conservation des nouveaux monuments et à donner l’éveil en cas d’incendie. La création de ces cantonniers et des gardiens de nuit ne fut pas sanctionnée par l’Administration et n’eut pas de suite.

Entrant immédiatement dans le domaine de l’exécution, le zélé initiateur convoqua 300 propriétaires du Faubourg-Saint-Martin et obtint la nomination d’une Commission ayant comme président le maire de l’arrondissement (alors le cinquième) et chargée de s’entendre avec M. le Préfet de la Seine, le comte de Rambuteau, pour la réalisation du projet. Cette Commission prit le nom de Commission des embellissements du Faubourg-Saint-Martin ou, plus communément, celui de Commission des propriétaires du Faubourg-Saint-Martin.

De suite il fut décidé qu’un appel, par souscription, serait fait aux propriétaires et habitants de la rue et le bulletin suivant fut déposé dans toutes les maisons, à la disposition des souscripteurs :

SOUSCRIPTION POUR L’ÉTABLISSEMENT DES FONTAINES ET DES URINOIRS.

« Je soussigné m’engage à payer sur l’acquit de M. Eugène Griolet, trésorier de la souscription, et sur l’avis que m’en donnera, un mois d’avance M. Vée, maire du cinquième arrondissement, la somme de … pour ma part dans la cotisation faite par les propriétaires de la rue du Faubourg-Saint-Martin, à l’effet d’obtenir, pour cette rue, la pose des fontaines et des urinoirs dont les modèles sont déposés à la mairie. » Paris, le … (Signature du souscripteur.)

Les conditions de cet engagement furent quelque peu draconiennes et les propriétaires, en l’acceptant, firent preuve d’une générosité à laquelle on était sans doute peu habitué, à cette époque où le roi Louis-Philippe donnait lui-même l’exemple d’une sage économie personnelle. La base de la cotisation fut fixée à 500 francs pour 10 mètres de façade.

La liste des souscriptions donne les noms des propriétaires d’alors, avec le montant de leur imposition volontaire. Les sommes varient de 150 francs à 2,000 francs et souvent beaucoup plus, tel l’hospice des Récollets qui donna 5,000 francs, le presbytère, situé au numéro 123, qui versa 1,300 francs. Les frères de la Doctrine chrétienne, en raison de leur façade portant les numéros 163 et 165, furent taxés à 5,000 francs.

Vers le milieu de l’année 1846, cependant, les choses subirent un certain ralentissement en raison du manque d’argent et suite à la défection du fondeur des édicules qui augmenta ses prétentions du double, prétextant que les modèles qu’on lui demandait étaient beaucoup plus riches que ceux du croquis fourni. Il fallut s’adresser à d’autres industriels et lancer un nouvel appel à la bonne volonté des propriétaires et habitants de la rue pour donner encore des fonds. Le 12 août 1846, une circulaire fut lancée, en même temps qu’elle exposait les déboires relatifs aux fondeurs, elle avait également pour but d’expliquer le fonctionnement des urinoirs et de rassurer les quelques propriétaires qui avaient manifesté une crainte pudibonde à l’occasion de cette innovation.

 « Ces urinoirs, y lisait-on encore, véritables monuments, qui réunissent à leur forme gracieuse des ornements choisis et exécutés avec goût, seront placés autant que possible en face les trumeaux des maisons et de préférence sur la partie des trottoirs qui font retour sur une rue. De cette manière, ils ne nuiront à personne et contribueront, au contraire, avec les élégantes fontaines, dont l’heureuse disposition est approuvée par tous les gens de l’art, à donner à cette belle voie une importance dont aucune des rues de Paris ne peut servir de comparaison. »

L’urinoir joua un grand rôle dans ce nouvel appel de fonds, il fut la raison déterminante qui permit aux rédacteurs de la circulaire d’agiter aux yeux des propriétaires le spectre de l’immoralité : « Rien, disait-elle, ne peut éloigner davantage les piétons du Faubourg-Saint-Martin, que ces habitudes de gens sans pudeur, qui s’installent devant les maisons et dans les encoignures des portes et laissent, sur toute la largeur des trottoirs, les traces de leurs ordures, qui répandent une infection pernicieuse dans cette saison. »

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Charles Marville, urinoir au chevet de l'église St-Laurent, circa 1875

De larges trottoirs furent construits sur une double ligne de deux kilomètres d’étendue. On planta, de chaque côté, une rangée d’arbres, depuis l’église Saint-Laurent jusqu’à La Villette ; le peu de largeur de la rue ne permettant pas de continuer ces plantations en descendant vers la porte Saint-Martin. Cent candélabres, disent les journaux de l’époque, aussi élégants que ceux des Champs-Élysées, jalonnèrent la longueur du faubourg et l’éclairèrent mieux que ne le fut jamais la rue de la Paix et la rue Vivienne. Ce fut assurément l’âge d’or du vieux faubourg ! Les modèles furent exposés dans la cour de la mairie de l’arrondissement où tous les citoyens purent juger de l’effet que ces monuments produiraient après leur installation.

Les fontaines au nombre de trente « sont faites sur deux modèles différents mais de style analogue et semblables, quant aux dimensions »

- L’une est surmontée d’un enfant jouant avec un cygne sur une vasque supportée par deux naïades : « … deux tritons adossés à une colonne torse dont la base repose sur un énorme coquillage d’où sort une tortue, portent sur leurs épaules une vasque sur laquelle un jeune pêcheur accroupi admire une branche de corail qu’il vient de retirer de la mer, tandis qu’à sa droite, comme à sa gauche, sont ses filets et les poissons pris…. »

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Charles Marville , fontaine au cygne, circa 1875

L’autre d’aspect à peu près semblable mais avec cette différence que l’enfant s’appuie sur un dauphin et que les naïades sont remplacées par deux tritons : « …L’autre groupe, tout aussi gracieux que son pendant, porte sur sa vasque un cygne et un enfant entouré de nombreux coquillages et faisant miroiter à ses yeux une huître perlière…. »

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Charles Marville, fontaine au dauphin, circa 1875

Sur les pans coupés du piédestal des deux groupes on lit ces quatre inscriptions : «

  • « Souscription des propriétaires du Faubourg- Saint-Martin.- 1846.
  • « Association fraternelle des ouvriers fondeurs. - 1848.
  • « M. de Rambuteau, préfet de la Seine. - 1846.
  • « Martin, inventit et sculpsit. »

L’enthousiasme fut grand dans la presse :

  • L’Illustration en reproduisit tous les détails et annonça à ses lecteurs que certainement le faubourg dont il s’agit, après les innovations apportées, serait « comparable à la voie Appienne dont les ruines sont encore aujourd’hui si grandioses ».
  • Le Courrier français attribua aux nouvelles fontaines le pouvoir de faire comparer Paris à la plus belle ville connue : « L’effet qu’elles produiront dans le faubourg, qui forme une des grandes entrées de Paris, annoncera d’une manière grandiose la plus belle et la plus riche capitale du Monde. »
  • Le Moniteur en donne la description suivante dans son numéro du 14 août 1849 : « Les urinoirs sur un socle en granit, six colonnes d’ordre composite, avec chapiteaux et ornements dorés forment un demi-cintre dont le haut est surmonté par un écusson aux armes de la Ville ; ces six colonnes, séparées entre elles par des têtes de chimères, supportent un dôme au centre duquel est un Thurifère orné de guirlandes, également dorées et en font une petite rotonde dont l’élégance, un peu outrée peut-être, dissimule du moins ce que la destination a de vulgaire.
  • Fontaines_fbg_st_martin.jpg
    À droite on voit une fontaine et un plus haut un candélabre.

    La fête inaugurale

    Le tout étant terminé en 1849, une inauguration fût faite des travaux élaborés, une grande fête fut décidée qui devait naturellement avoir lieu dans le quartier et que devait compléter un banquet composé des principaux notables de l’arrondissement. Comme pour les fontaines et les urinoirs, il fut décidé que le banquet et la fête seraient le produit d’une souscription.
    Et comme en France, tout finit par des chansons ; les fontaines du Faubourg-Saint-Martin n’y échappèrent pas.
    Première ronde, chantée et dansée autour des petits monuments sur l’air : « Ah! le bel oiseau, maman »

     Refrain : Viv’ le comt’ de Rambuteau,
    Grâce à lui nous avons l’eau. …
    Depuis la porte Saint-Martin Jusqu’à la Grande-Villette,
    On chante ce gai refrain,
    Même en roulant la poudrette.
    Du faubourg les habitants
    Sont fiers de dire, après boire :
    Souvenez-vous, mes enfants,
    Que ce comt’ vivra dans l’histoire.
    Viv’ le …

    Mais tout a une fin

    Un jour on trouva que « ces fontaines présentaient peu d’utilité pour les riverains qui proposèrent de les remplacer purement et simplement par cinq bouches de lavage et quatre bornes-fontaines ». La suppression de ces édicules fut demandée à l’Administration par quelques habitants du quartier, une première fois en 1895, mais l’affaire fut classée à la suite d’un avis défavorable du Comité des inscriptions parisiennes. Alors les habitants divisés sur la conservation ou la suppression portèrent leurs doléances devant le Conseil municipal qui renvoya l’affaire pour avis aux services administratifs de la Ville.

    Le service d’Architecture sollicité décréta : « que les fontaines susvisées, tombées dans un état notoire de délabrement, sont peu intéressantes au point de vue artistique, qu’elles ne constituent plus guère qu’un objet d’encombrement sur les trottoirs d’une voie où la circulation est des plus difficiles, et qu’il serait préférable de les supprimer en totalité, ou bien, si l’on veut conserver le souvenir historique qui s’y rattache, de n’en conserver que quelques-unes qui seront choisies parmi les moins abîmées, restaurées complètement et placées de la façon la moins gênante sur les trottoirs…. »

    Cela dura jusqu’en 1900 et la Commission du Vieux Paris jugea « qu’il fallait supprimer les 15 fontaines encore en place vu leur état de conservation et ne maintenir quatre seulement de ces fontaines, deux de chaque modèle réparées et restaurées et qui ne seront intéressantes qu’au point de vue du souvenir

    « Les urinoirs disparurent en raison d’une question d’hygiène publique et remplacés par de nouveaux modèles imposés par la Ville ; les candélabres durent aussi être retirés devant le nouveau modèle imposé par la municipalité à toutes ses rues ».

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Charles Marville, les nouveaux urinoirs, devant le théâtre de l’Ambigu, 1870

De nos jours, une seule fontaine a survécu sur les 30 fontaines du faubourg : celle du modèle « Enfant au dauphin et tritons » qui était au n° 177. Elle a trouvé refuge au jardin Villemin et a été inscrite à la liste des Monuments historiques par arrêté du 15 avril 1970. *
 

Jeannine Christophe

Fontaine_du_jardin_Villemin.jpg
La fontaine du jardin Villemin

* Comme nous l'avons signalé en début d'article, Marc Le Cœur, historien d'art, nous a envoyé l'additif suivant accompagné de ses photos : " J'ai lu avec intérêt votre article sur les fontaines du Faubourg-Saint-Martin et me permets d'apporter une petite précision à votre dernier paragraphe : deux exemplaires du modèle au cygne ont été remontés à Orléans, qui se dressent tous deux au milieu de bassins sur la place Sainte-Croix, face à la cathédrale, où je les avais découverts avec surprise il y a quelques années. Leur provenance, en tout cas, ne fait aucun doute ! Voir à cette page.

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Fontaines du Fbg-St-Martin installées place Sainte-Croix à Orléans,© photos Marc Le Cœur