Articles
Costumes des petits métiers du 10e [1]
Je voudrais vous parler d’un temps où « l’habit faisait le moine », et où à la seule vue de son costume on pouvait reconnaître le métier de celui qui le pratiquait, toute une corporation portait le même habit ; aujourd’hui on peut s’en faire encore une idée par quelques rares exemples : les bouchers, le corps médical, la justice, etc.
Au 19e- début 20e s., dans tout Paris, et bien entendu dans notre 10e arrondissement ouvrier, industrieux et artisanal, les petits métiers faisaient florès ; chacun a encore en mémoire les cris des petits métiers ambulants qui envahissaient nos rues dès l’aube, caractérisant chacun d’entre eux : « chi-i - ffons ! », « peaux de la- a- a- pin ! », « viii - trier ! », « ar - tichauts tendres et beaux ! », « tam, tam, c’est moi qui rétame ! », « cou - ou- teaux, ré - é - é- mouleur ! » Mais il y avait aussi un autre moyen d’identifier un métier : c’était par le « costume » de celui qui le portait pour l’exercer.
Je vous propose par l’illustration un petit tour à la rencontre de quelques uns des costumes des métiers d’autrefois dans notre arrondissement :
- Voici le long du canal le « marinier » avec son cheval hâlant péniblement sa péniche.
- Voilà, la « Grisette », l’humble ouvrière des petites industries textiles du canal, immortalisée aujourd’hui par la statue qu’on lui a élevée au square Jules-Ferry.
- Voici, arpentant les rues, la « marchande des quatre-saisons » vantant ses fruits et légumes bien frais et pas chers !
- à ses côtés se tient la « marchande de vanneries » proposant vigoureusement ses paniers pour transporter les primeurs sans dommage jusqu’à domicile.
- Alors que le « marchand de balais » incite les passants à nettoyer le crottin laissé sans vergogne sur la chaussée et aux portes des immeubles par les chevaux des hippomobiles des gardes républicains de la Caserne Eugène (qui n’est pas encore Vérines).
- Sur les Grands Boulevards, le « camelot » vend sa marchandise à 4 sous, et le petit « cireur de bottes » rend bien luisants les souliers des passants qui se pressent vers les théâtres de la Porte-Saint-Martin, du Gymnase, de la Renaissance ou encore de l’Ambigu, et dont les programmes sont placardés sur les murs par les « colleurs d’affiches » au milieu de la propagande politique.
Là sur les boulevards, les enseignes des « confectionneurs » proclament haut et fort qu’ils sont installés près des théâtres ; tout à côté sont établis de nombreux « costumiers » louant pour les festivités du Mardi gras des déguisements (ici une Arlequine) pour participer au « Défilé du Bœuf gras » qui descend de la Courtille (le haut Belleville) jusqu’aux Grands Boulevards en passant par le Faubourg-du-Temple.
Pour le carnaval : costume d'Arlequine
Mais tout ce monde des petits métiers et leurs costumes si spécifiques devait bientôt disparaître avec les technologies nouvelles du 20e siècle, et les costumes s’uniformiser avec la mondialisation des vêtements en « jean » jusque dans le 10e.
C’est ce qu’avait bien compris cette enseigne de magasin de vêtements soldés du Faubourg-du-Temple qui s’appelait bien nostalgiquement : « Aux Galeries fin de siècle ».
[1] Tiré du Livret d’Ensemble nous sommes le 10e sur « Les costumes du Monde », septembre 2003